La mode file-t-elle un mauvais coton?

Culture du Coton

Le coton est de plus en plus décrié et a contribué à la mauvaise image de la mode. Grand consommateur d’eau et de pesticides, on entend tout et n’importe quoi à son sujet. Pour se sortir de ce pétrin, beaucoup de marques ont fait le pari du coton bio pour devenir “écoresponsable” ou “éthique”. Est-ce suffisant? Du greenwashing? Le coton bio est-il vraiment mieux pour la planète que le coton conventionnel? Tous les cotons bios se valent-ils?

Comme vous le voyez, on s’est encore posé pour ce nouvel épisode de la Mode Démodée beaucoup de questions simples pour lesquelles nous n’avons pas trouvé de réponses évidentes. C’est coton !

Pull Gaufré Coton Bio

La star des fibres naturelles

Même s’il s’est fait détrôner dans les années 2000 par le polyester, le coton est aujourd’hui la 2ème fibre textile la plus utilisée par l’industrie de la mode (33%) et de loin la n°1 devant la laine chez Paname Collections. La fibre de coton a de nombreux avantages: elle est douce, souple, résistante et biodégradable.

Le coton occupe environ 3% des terres agricoles et fait travailler 250 millions de personnes dans le monde. Dans les pays en voie de développement qui cultivent le coton, ce dernier fait travailler 7% de leur population active. Le coton a donc un rôle économique très important, mais à quel coût pour la planète?

Comment fait-on pousser du coton?

Le cotonnier est un arbuste qui pour bien grandir a besoin de beaucoup de soleil, de chaleur et de beaucoup d’eau (jusqu’à 120 jours de pluie). C’est pour ces raisons qu’il aime par exemple l’Afrique subsaharienne, le sous-continent indien ou le sud des Etats-Unis et qu’on n’en trouve pas en Angleterre.

Pourquoi le coton a-t-il mauvaise presse?

On lui reproche principalement sa consommation excessive d’eau et de pesticides. Enfin, on ne le souligne pas assez mais il appauvrit les sols lorsqu’il est cultivé en monoculture. 

Les pesticides :

Le coton en consomme trop, environ 25% de la production mondiale pour ~3% des terres agricoles car les insectes sont comme nous : ils l’adorent le coton! On ne vous apprend rien mais tous ces produits chimiques abîment les sols et polluent l’eau… On vous invite à relire notre article sur la pollution des eaux

L’eau :

On lui reproche d’en consommer beaucoup ce qui est un raccourci. Ne vous laissez pas berner par les marques, les associations ou les journalistes qui veulent vous choquer lorsqu’ils disent qu’il faut 20,000 L d’eau pour produire 1kg de coton. C’est beaucoup plus complexe que cela.

Pour faire pousser 1kg de coton, il faut selon le Water Footprint Network environ 22,500L en Inde contre par exemple 8,000L aux US ou 6,000L en Chine. Pourquoi existe-t-il de telles disparités?

L’Inde fait figure de mauvaise élève car on y fait pousser du coton dans des zones arides où le gouvernement subventionne des pompes à eau. Cette dernière est quasi gratuite et (mal) utilisée en abondance. A l’inverse, aux Etats-Unis par exemple, l’agriculture a fait beaucoup de progrès en termes de techniques d’irrigation. En Australie au cours des 25 dernières années, on a diminué quasi par 2 la quantité d’eau requise pour produire une balle de coton.

coton drone

Pour mettre ces chiffres toujours plus en perspective, le coton consomme plus d’eau que nos fruits et légumes et moins que le riz et que le boeuf. Ce qu’on oublie souvent de préciser quand on veut vous choquer avec un chiffre sur l’eau est qu’il existe 3 types de consommation d’eau:

  • l’eau de pluie qui alimente les sols (on parle d’eau verte)
  • l’eau provenant de l’irrigation (l’eau bleue)
  • l’eau grise qui est l’eau polluée issue d’une technique de production

Il faut donc faire attention aux raccourcis. En effet, assécher la mer d’Aral pour faire pousser du coton semble être une bêtise. Mais peut-on reprocher à un agriculteur de ne faire pousser ses cotonniers qu’avec de l’eau de pluie? Ou à une vache qui vit dans un champ de manger l’herbe qui pousse grâce à cette eau?

Aujourd’hui, 41% de la production mondiale de coton (un peu plus de la moitié des terres) n’utilise que de l’eau verte. 

Le débat est plus de savoir s’il faut faire pousser autre chose que du coton sur ces terres. Il y a sûrement un équilibre à trouver entre nourrir les populations locales et la culture du coton qui fait vivre 250 millions de personnes.

L’appauvrissement des sols

Si on ne cultive que du coton sur une même parcelle, la qualité du sol se dégrade et engendre une baisse de rendement. Au Bénin, le coton représente 15% du PIB. A cause de la monoculture de cet “or blanc”, environ 20% des sols sont dégradés. Pour les restaurer, le gouvernement a mis en place des projets agroécologiques. Cela consiste à cultiver en alternance avec du coton des plantes qui enrichissent les sols et à y déplacer des troupeaux qui les fertilisent. Cela nous rappelle nos cours du collège… Pas vous?

Quid du coton bio?

Qui dit bio dit absence de pesticides donc pas de production de pesticides, pas de pollution des sols et de l’eau. Avec le bio, on émet presque 2x moins de gaz à effet de serre. Par ailleurs, un sol sans pesticides est un sol qui absorbe beaucoup plus de carbone. C’est au combien primordial car le sol est le 2ème réservoir de carbone après les océans.

95% du coton bio consommerait uniquement de l’eau verte (l’eau de pluie), encore un bon point ! Contrairement au coton conventionnel, le coton bio n’a enfin pas besoin d’être lavé pour éliminer les pesticides, ce qui engendre une économie supplémentaire d’eau et une réduction des eaux usées.

Ses détracteurs lui reprochent des rendements plus faibles que le coton conventionnel. Est-ce un vrai problème? La plupart du coton bio provient de petites exploitations qui cultivent d’autres cultures favorisant ainsi une meilleure qualité des sols (et donc un meilleure capacité à stocker notre carbone). Par ailleurs, le coton bio ne représente qu’1% de la production mondiale de coton. Avec une demande en forte croissance, on est convaincu que des progrès seront faits rapidement pour améliorer les rendements.

Sans pesticides, sans irrigation et sans nettoyage, la culture du coton bio permet de faire une économie de 91% d’eau verte (irrigation) et réduit de 98% la pollution des eaux.

En termes de gaz à effet de serre, de consommation et de pollution des eaux et du respect des sols, le bio est vainqueur par KO.

Labels coton bio

Tous les cotons bios se valent-ils?

La production de masse 

Quand une marque de la fast fashion veut vous proposer du coton bio en masse qui a des rendements plus faibles, elle utilise davantage de machines pour atteindre ses objectifs qui produisent au final plus de gaz à effet de serre et contrebalancent les avantages du bio.

La guerre des labels 

Une marque qui vous propose du coton bio sans label et à un prix compétitif, c’est très louche…. On vous le dit en toute transparence, on n’a pas rien sans rien. Le bio coûte plus cher. Si le vêtement est produit dans de bonnes conditions, fuyez une marque qui vous vendrait des tshirts bios à 10€. Il y a un loup qui se cache quelque part. C’est pour cette raison que tout le monde nous dit de faire confiance aux labels, mais tous les labels ne se valent pas… 

Fuyez le label Better Cotton Initiative. On vous laisse voir comment notre Che Guevara Elise Lucet l’a démonté dans son cash investigation.

Méfiez-vous des labels créés par les marques, surtout si c’est un label d’un grand groupe de la fast fashion. Le greenwashing n’est jamais très loin. Il y a pas longtemps, on est tombé sur un vêtement d’une grande chaîne qui arborait fièrement le message “ce vêtement contient du coton issu de l’agriculture biologique”. Pour ne pas se faire avoir, il suffit souvent tout simplement de lire l’étiquette de composition. En y regardant de plus près, on a découvert qu’il était fait à plus de moitié de polyester et que le coton bio ne représentait que 10% du produit. Nous on appelle ça du greenwashing. Croyez-nous, si une marque utilise vraiment 100% de coton bio, elle vous le dira sans détour.

Gardez en tête que les labels oeko-tex standard 100 ou made in green ne concernent pas l’agriculture biologique.

Au final, le roi des labels pour le coton bio est le label GOTS. On peut aussi faire confiance au moins connu label IVN. Dans l’industrie de la mode, ce sont les plus exigeants. Peut-on leur faire confiance? On espère que oui! GOTS s’est notamment aperçu que de faux certificats circulaient en Inde. Au lieu de se cacher, l’organisme a communiqué dessus en disant qu’ils annulaient leur certification pour toutes ces productions indiennes. Pour nous, ce genre d’attitude est un gage de confiance. 

Pourquoi ne pas travailler que du coton GOTS?

Il est aujourd’hui difficile de se procurer du coton bio certifié GOTS car :

  • on vous rappelle que le bio ne représente qu’1% de la production mondiale de coton
  • avec le covid, beaucoup de marques de mode essayent enfin de s’acheter une conscience. Elles prennent un raccourci facile en voulant acheter du coton bio. La demande explose!
  • 2021 ne fut pas une bonne année pour le coton avec de mauvaises récoltes en Inde et en Chine

Peu de bio, une explosion de la demande et de mauvaises récoltes font qu’il est difficile de se procurer du coton bio et que les prix s’envolent.

Par ailleurs, l’offre des fournisseurs de tissu en coton certifié GOTS est très faible, sans doute pour toutes ces raisons. Cela nous demande un très gros travail de sourcing afin de trouver des produits qui correspondent à vos et à nos exigences.

Et pourquoi ne pas acheter du coton en direct?

On s’est ‘naïvement » renseigné. On a posé la question à notre fournisseur principal de tissus. Il achète son coton auprès de négociants qui lui fournissent des qualités de coton notées de 1 à 10. Un tisseur pour pouvoir garder la même qualité de tissu a besoin d’avoir une qualité constante de coton. Pour cela, les négociants font des mélanges de coton venant de différentes régions du monde ce qui rend la traçabilité complexe… La seule solution pour nous aujourd’hui si on veut avoir un coton traçable est de travailler à nouveau du coton certifié GOTS qui nous fournira des certificats précis sur l’origine du coton. Cela explique aussi sans doute l’offre faible de tissus certifiés GOTS.

bobines de coton

Utiliser du coton bio certifié suffit-il à dire qu’on est écoresponsable? NON!

Nous pensons chez Paname Collections que c’est une partie de la solution, mais qu’il y a plein d’autres paramètres à prendre en compte. Comme nous vous l’avons expliqué dans nos articles sur les déchets, les gaz à effet de serre ou la pollution de l’eau, il y a plein d’étapes de production qui peuvent ruiner les bienfaits du coton bio: une teinture avec des produits chimiques, des eaux usées non traitées, des ateliers qui tournent au charbon et au pétrole…. 

Avec le coton certifié bio, on s’adresse à une partie du problème mais cela n’est pas suffisant. Dire que l’on travaille du coton bio ne suffit pas à dire que l’on est une marque écoresponsable.

Que faire en tant que consommateur?

Privilégiez les marques qui essayent d’être les plus transparentes possible et qui travaillent du coton bio certifié. Ne faites pas confiance aux labels maison et aux appellations marketing qui flirtent trop avec le greenwashing. Lisez les étiquettes de composition. Si on a un vêtement qui n’utilise que du bon coton bio, la marque le dit haut et fort car elle en est fière et c’est vendeur.

Que faire en tant que marque?

Dans le meilleur des mondes, le coton pousserait dans des régions où il n’a pas besoin d’être irrigué, sans pesticides, en alternance avec d’autres cultures et rémunèrerait correctement les agriculteurs. Est-il possible aujourd’hui de trouver un tel coton? Nous ne le savons pas, c’est pour cela que la meilleure des solutions est de travailler du coton bio certifié GOTS.

A bientôt pour un nouvel épisode !

Sources:

Environmental Impact of Cotton

https://www.theguardian.com/sustainable-business/2015/mar/20/cost-cotton-water-challenged-india-world-water-day

https://www.waterfootprint.org/en/water-footprint/product-water-footprint/

https://australiancotton.com.au/supply_chain/does-it-take-20000-litres-of-water-to-grow-a-t-shirt

Le coton n’est plus une plante “assoiffée” d’eau selon le Bremen Cotton Exchange

https://www.waterfootprint.org/en/resources/interactive-tools/product-gallery/

https://www.mediaterre.org/actu,20200723205420,5.htmlhttps://qz.com/454479/organic-farming-is-actually-worse-for-climate-change-than-conventional-farming/

https://www.labelinfo.be/fr/label/gotshttps://global-standard.org/news/gots-press-release-gots-detects-evidence-of-organic-cotton-fraud-in-india