La mode démodée – Ep 1 : les Gaz à Effet de Serre

Mode Gas à Effet de Serre

Bienvenue dans notre premier article de notre journal de bord sur l’éco-responsabilité que l’on a tout simplement décidé d’appeler « La mode démodée ». Comme dirait Claudy Focan dans Dikkenek, « ça veut dire exactement ce que ça veut dire ! ». Sur le papier , ce n’est peut-être pas le sujet le plus sexy mais il est au combien important : comment la mode contribue-t-elle au dérèglement climatique via les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) ? En quoi produire en Asie est-il un problème ? Pourquoi votre sèche-linge n’est pas ami avec la Terre ? Devez-vous moins laver vos caleçons ? 

Bonne lecture !

The Guardian

This is fake news.

Depuis le lancement de Paname Collections, on a régulièrement lu dans des journaux très sérieux que la mode était la 2ème industrie la plus polluante au monde, une formule dramatique, efficace et facile à retenir sauf que… elle n’est pas fondée. Loin de moi l’idée de dire que la mode ne pollue pas, mais si l’on part sur les mauvais constats, on ne trouvera pas les solutions les plus adaptées. 

Le blog Ecocult retrace l’origine de cette rumeur et vous explique pourquoi on passe de 4% à 10% en fonction des rapports dont certains sont contestés par la communauté scientifique.  En 2021, c’est au tour du Forum Économique Mondial de publier sa propre étude. Selon lui, l’industrie de la mode représente environ 5% des émissions mondiales (3ème place), à égalité avec les biens de grande consommation (articles de toilette, cosmétiques, piles, ampoules…). La 1ère place revient à l’agro-alimentaire (25%) et la 2ème au bâtiment (10%).

Qui croire ? Ces chiffres sont-ils appuyés par des recherches scientifiques ? A la limite peu nous importe : que la mode soit à 4%, 5%, 8% ou 10%, cela est beaucoup trop élevé, on est bien d’accord. 

Reste à savoir de la matière première à la fin de vie de nos vêtements, quelles étapes font le plus de mal au climat ? Même si les chiffres que l’on a recoupés varient d’une étude à l’autre, ils ont le mérite de nous donner des ordres de grandeurs et du bon sens. 

C’est pas sorcier !

Jamy (C’est Pas Sorcier) a tourné la vidéo ci-dessus pour Brut qui a buzzé sur l’itinéraire d’un jean. Même s’il ne le précise pas, il s’agit probablement d’un modèle de la fast fashion (ndlr :  on le précise car on n’aime pas être mis dans le même panier que ces marques). Notre cher Jamy termine la vidéo en disant que ce fameux jean aura au final parcouru 65,000kms soit 1,5 le tour de la Terre. Une nouvelle formule choc facile à retenir qui interpelle !

Dans l’excellent livre Factfulness d’Hans Rosling, l’auteur nous conseille d’avoir le réflexe de mettre tout chiffre qui choque au premier abord en perspective pour tester sa véracité. Intuitivement, on comprend Jamy. On sait que la mode doit privilégier les circuits courts, il n’y a pas de petites économies quand on parle d’environnement. On sait que le transport a sa part de responsabilité dans les gaz à effet de serre (GES) émis par l’industrie de la mode.

Ce que Jamy et Brut ne précisent pas est que le transport maritime est le plus utilisé par l’industrie de la mode et que son empreinte carbone par produit est plus faible que celle du transport routier ou du transport aérien. En effet, il est organisé et performant dans le sens où les conteneurs sont bien remplis et les trajets optimisés. Tout ceci explique qu’en moyenne le transport représente environ 3% de l’empreinte carbone de l’industrie de la mode selon un rapport publié par McKinsey et le Global Fashion Agenda. On s’attendait tous à beaucoup plus, n’est-ce pas ?

Selon ce rapport, le problème des GES de l’industrie de la mode vient donc principalement de la production de l’électricité utilisée pour produire nos vêtements de pays ayant un mauvais mix énergétique (pétrole, charbon, gaz). Quand on travaille avec l’Inde, la Chine ou même la Pologne, les marques et autres acteurs de notre industrie contribuent ainsi massivement aux GES. 

Alors non, les marques ne peuvent pas influencer à elles-seules la politique énergétique d’un pays. On peut en attendant mieux maîtriser notre supply chain. Lorsque l’on travaille avec des filateurs, tricoteurs, tisseurs… situés en France ou au Portugal, 2 pays avec un bon mix énergétique (nucléaire, énergies renouvelables….), on obtient forcément des produits avec une plus faible empreinte carbone.

Autre levier actionnable qui relève du bon sens : ne plus travailler le polyester (pétrole) qui représenterait 70% des fibres synthétiques et dont la production est très énergivore (on ne parle aujourd’hui que des GES, on vous conseille cet article sur la pollution des eaux due au polyester). A titre d’exemple selon le Stockholm Environment Institute, la production de polyester pour 1 tonne de fils émettrait 1,6x plus de CO2 que le coton conventionnel américain (culture + production de la fibre) et 4x plus de CO2 que le coton bio américain.

Vous l’aurez compris, quand les marques refont leurs boutiques, utilisent des lampes à faible consommation, changent leur packaging…  cela va dans la bonne direction bien évidemment mais ce n’est pas suffisant.

Lavage de nos vêtmeents

Et vous dans tout ça ?

Dans le graphique ci-dessus, on voit qu’environ 20% des GES sont dus à l’entretien de nos vêtements (le Forum Économique Mondial parle de 30%), à savoir le lavage et le séchage. Selon Erwan Autret de l’ADEME (Agence de la Transition Ecologique), la moitié de la pollution textile est due aux consommateurs car ils achètent trop, lavent trop leurs vêtements, recyclent mal… 

A nouveau, c’est la production d’électricité qui pose problème, celle qui va faire tourner vos machines… Vous me direz, en France, on s’en sort plutôt bien niveau mix énergétique grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables. Mais n’oubliez pas une chose que l’on vous répète depuis toujours : vous lavez trop vos vêtements. Laver, c’est consommer de l’énergie et c’est aussi détériorer. Le lavage, l’essorage et le sèche-linge réduisent la durée de vie de vos vêtements. Ils abîment vos tissus. On vous le répète mais lorsque l’on travaille des matières naturelles comme le coton ou la laine (qui est antibactérienne), il suffit parfois juste d’aérer vos fringues. Pas besoin de laver son chino ou son pull en laine toutes les semaines. Si vos vêtements n’ont pas d’odeur, pas de tâches… ne les lavez pas par réflexe. Vous prolongerez ainsi leur durée de vie. 

Pareil pour vos sous-vêtements !

…non, on déconne ! 

Voici donc nos tous premiers conseils sur les gestes faciles à adopter au quotidien pour réduire votre empreinte carbone :

  • non, je n’irai plus m’habiller dans la fast fashion qui produit des vêtements moins durables et qu’il faut donc régulièrement racheter, ce qui engendre l’épuisement des ressources, la surproduction et donc plus de GES
  • oui, j’éviterai le plus possible les vêtements avec du polyester et autres fibres plastiques
  • non, je n’achèterai plus des vêtements faits à l’autre bout du monde dans des pays qui tournent au pétrole et au charbon
  • oui, je laverai moins mes vêtements et éviterai d’utiliser le plus possible mon sèche-linge

Si vous voulez aller plus loin, il existe de plus en plus de jeunes acteurs qui prônent plus de transparence et qui vous donnent la liste de leurs fournisseurs. On sait très bien que vous n’en connaissez aucun, mais au moins vous pourrez dorénavant avoir de bons réflexes. Si vous voyez que le filateur est au Portugal, que la maille 100% coton est faite en France… vous saurez que votre pull n’aura pas la même empreinte carbone qu’un made in Bengladesh en coton voire pire… en polyester ! 

En ce qui concerne Paname Collections, on le précise quand on peut pour chaque produit dans la partie « Beauté Intérieure ».

La suite ?

En rédigeant cet article, on a beaucoup appris de notre côté. En faisant confiance à notre bon sens car on ne s’était encore jamais intéressé au mix énergétique des pays, les choix que l’on a faits depuis le début de notamment 1) ne travailler que du coton et de la laine, 2) boycotter le plastique et 3) travailler exclusivement avec des ateliers européens font que nos produits ont forcément une empreinte carbone plus faible que le jean de Jamy.

Pour notre prochaine collection, on essaye de remonter la supply chain pour nous assurer que chaque étape de transformation de nos produits est bien faite dans des pays au bon mix énergétique.

Mais la pollution ne s’arrête pas aux GES… il y a la pollution de l’eau, les déchets, l’utilisation de produits chimiques… A très vite pour un nouvel épisode !

Si vous n’êtes pas d’accord, si vous avez des commentaires, des précisions à apporter, des suggestions ou des encouragements… n’hésitez surtout pas à nous les envoyer à adrien@panamecollections.com !

 

Sources :

Ecocult : Fashion Is Not the 2nd Most Polluting Industry After Oil. But What Is It?

Our Wolrd In Data

World Economic Forum – Net-Zero Challenge: The supply chain opportunity (INSIGHT REPORT, JANUARY 2021)

McKinsey & Company, Global Fashion Agenda : FASHION ON
CLIMATE – HOW THE FASHION INDUSTRY CAN URGENTLY ACT TO REDUCE ITS GREENHOUSE GAS EMISSIONS

LeParisien – Pollution : «Le textile est le cinquième plus gros émetteur de gaz à effet de serre»

Ecological footprint and water analysis of cotton, hemp and polyester – The BioRegional Development Group (BDG), supported by WWF-Cymru, commissioned SEI to calculate the environmental burden of producing five textile-based products.

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